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arCane 18

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Photographies et imaginaire

Publié par Llael
Publié dans : #Nouvelles, #livre
La saga de la bâtarde

La saga de la bâtarde, mon premier roman est désormais disponible en ligne à cette adresse :

http://www.thebookedition.com/fr/la-saga-de-la-batarde-p-342966.html.

Et pour donner envie, rien de tel qu'un petit extrait.

1

Les histoires de princesses commencent par « il était une fois…… »

Pas la mienne.

La mienne commence par des meurtres, un inceste, bref des choses que les gens sain d’esprit ne souhaitent pas connaître. Ne cherchez pas de château enchanté et encore moins de princes charmants, il n’y a qu’une vieille cité fortifiée rongée par le temps, la corruption, et le vice d’êtres abjects qui dépensent leur argent et leur temps libre à explorer les perversités de la création dans les tavernes qui tiennent lieu de bordel. Et croyez-moi, je suis hélas bien placée pour le savoir.

Mais où ailleurs une fille comme moi aurait-elle put échouer ? Ces endroits sont les seuls havres pour ce que les hauts-prêtres nomment poétiquement les « sans-âmes », les prostituées, les non-humains et les bâtardes. C’est dire s’il y avait peu d’âmes autour de moi ce soir. Et encore moins de bonnes manières. A toi de jouer sale rouquine étaient les seuls mots qu’avait lancés l’épave humaine qu’était l’un de mes adversaires aux cartes. Quant à l’intéressée….. Elle n’avait jamais dut connaître les utilisateurs des bonnes manières. Rousse, à peine pubère, constamment effrayée par la vie, une « marchandise » de choix, sans doute achetée à sa famille et forcée alors qu’elle jouait encore à la poupée. Moi c’est différent. Un regard et ce sac à vin retourne à son mutisme ; je pioche dans ma besace de quoi calmer la gamine, une bouteille de vin du sud. Pas très fair-play de souler son adversaire lors d’une partie de cartes, mais bon. J’en suis à ma deuxième pipe d’opium, ça rétablira l’équilibre.

Et la partie continue. Les cartes volent au-dessus de la table et l’argent ne cesse de changer de mains. Les deux non-humains du bout de la table jouent comme si leurs vies en dépendaient, le désormais muet ne cesse de grommeler, et la jeune fille jette ses cartes sans trop comprendre. De toute façon ce qu’elle joue ne lui appartient plus depuis longtemps, trop en ont profité. Puis ça arrive. La porte de la taverne s’ouvre discrètement, laissant entrer une petite silhouette bossue dissimulée sous une cape sale. Elle jette un rapide coup d’œil et file l’air de rien à la fenêtre faire des signes aux ombres qui attendent dehors. L’heure est venue de tirer ma révérence. J’abats mes cartes, récupère mon argent ; pas la peine de me soucier de la bouteille, la gamine l’a saignée à blanc. Et ne pas oublier de rabattre ma capuche, mon visage est parait-il « celui d’une princesse aux cheveux d’ors et aux yeux de glace », mieux vaut le cacher, certains hommes contrôlent mal leurs pensées, et encore moins leur mains. Surtout ceux qui vont entrer dans un instant. Le fracas d’une porte qui s’ouvre violemment, j’ai à peine le temps de me dissimuler dans l’ombre que la parade commence. Je les sens avant de les voir, un mélange écœurant de diverses huiles parfumées, le signe des nobles qui descendent parmi la plèbe et qui souhaitent tenir la pestilence du peuple à distance. Ils sont deux, parlent fort et se pavanent comme de jeunes coqs sur un tas de fumier ; les fils du duc, ils ont une manière bien à eux de fêter les batailles de leur père. Le plus jeune fait un rapide tour de la salle à la recherche de sa future « réjouissance ». Tous les habitués savent ce qu’il aime, pas de chance pour toi gamine. Il l’attrape par les cheveux et la mène ainsi jusqu’aux chambres de l’étage. Son frère s’esclaffe à la manière d’un porc. « Toujours autant de goût pour les jouvencelles écarlates, je préfère quelque chose de plus remuant », lance-t-il à qui veut l’entendre. Ce soir la nouvelle serveuse va comprendre pourquoi elle n’aurait jamais dut quitter la campagne et ses parents. Elle se débat. Il aime ça. Il la jette sur son dos comme de la marchandise et monte dans la chambre voisine de son frère. L’ombre bossue se met au comptoir, il va rester à surveiller ses maîtres à une distance « décente ». Et dans la taverne la vie reprend son cours dans l’indifférence générale. Je ressors ma pipe à opium, c’est ce que cette soirée mérite.

« Crois moi je me souviendrais de toi, sourit l’héritier du duc. Il faudra que nous nous revoyions. »

Il est rhabillé et cherche dans sa bourse quelques pièces avant de les jeter à la serveuse. Elle ne répond pas, son corps et son esprit lui font trop mal. Il s’esclaffe de plus belle. Il est temps de voir si son petit frère a passé une aussi bonne soirée. Il frappe du poing à sa porte, pas de réponse.

« Debout frérot, tu as assez profité. »

Toujours pas de réponse. Et surtout pas de bruit. Son cadet n’a jamais été du genre discret. Il appelle son « ombre », qu’il voit encore attablé au comptoir. Ou plutôt étalé, maudit soiffard. Un coup de pied scelle le destin de la serrure, et les lumières du palier pénètrent dans la chambre, dévoilant la couche, où la catin est allongée, sans vie. A côté son frère est dans le même état. La peur le gagne, mais il analyse rapidement la situation, après tout chaque futur héritier s’y connaissait en meurtre. Pas de traces de blessures sur le corps de son frère, mais la fille à le bord des lèvres noir. Et tout noble sait reconnaitre les traces du « tueur de roi » versé dans le vin. Seulement son frère n’a rien bu, alors comment ? A moins que……. La prostituée……. La révélation n’a pas le temps de faire le tour de son cerveau, car désormais quelque chose d’autre l’encombre. Un empan d’acier aiguisé expertement glissé depuis la base du cou. A mesure que la vie quitte son corps et qu’il s’effondre à terre, deux yeux glacés suivent sa chute. Deux yeux irrésistibles qui ont poussé le bossu à boire plus que de raison, deux yeux qui ont vu le vin empoisonné disparaitre petit à petit sur les lèvres de la jeune rousse. Deux yeux qui désormais contemplent le cadavre de ce qu’un jour elle aurait dut appeler son frère.

« Par le sang je reprendrais ce qui est mien ! »